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JEAN-CLAUDE MEYNARD


Présentation

De l’hyperréalisme à la géométrie fractale, en passant par les grandes séries de la complexité,
le travail de Jean-Claude Meynard se révèle dans un constant renouvellement de formes et
s’incarne dans de vastes cycles où chaque innovation formelle se trouve contenue dans le
cycle précédent - le point nodal de ce parcours restant la représentation.
Une représentation qui s’inscrit au cœur d’une démarche picturale qui décline à l’infini la
complexité du monde.
Représenter cette complexité est le principe actif de l’œuvre de Jean-Claude Meynard ; une
complexité avec, en permanence, reformulée inlassablement, une image existentielle : celle
de l’homme aux prises avec ses propres limites.
A travers ses factures différentes - fausses ruptures – et quel que soit l’outil qu’il utilise, le
pinceau de la grande peinture, l’ordinateur ou la découpe laser, Meynard reformule cet icône
qui est vous, qui est moi, qui est lui… Que ce soit l’homme sur-apparent de l’hyperréalisme,
l’homme flou du questionnement existentiel, l’homme-maelstrom de l’énergie, l’homme-puzzle
de la métamorphose, ou l’homme métaphysique de l’idéogramme, son travail trace l’itinéraire
pictural de l’homme.
Au sein de la complexité du monde, l’homme ne peut que se reformuler.
« Le but étant de regarder le monde d’une manière non finie, non définitivement finie, et de
redonner des possibilités de composition et de recomposition, donc de vie » (1)
Cette reformulation picturale de l’homme parcourt toute l’œuvre de l’artiste. La critique a
dégagé des étapes mais, de l’hyperréalisme au fractal, l’œil identifie la permanence du propos.
La phrase est rebattue : « On reconnaît une œuvre de Meynard au fait qu’il y a toujours, en
apparence ou transparence, une silhouette humaine, et que la complexité du monde y est
sans limite - et sans bavure.»
En ce sens, la chronologie de l’œuvre telle qu’elle est présentée ici pèche par le fait même
d’être une chronologie. Expliquer l’œuvre de Meynard en suivant le chemin du temps est
essentiellement une erreur… on aura la sensation de changements ou de factures contradictoires
alors que l’œuvre est d’une cohérence extrême.
Pour une importante exposition au Centre d’Art - Villa Tamaris (2) - le directeur, Robert
Bonaccorsi, choisira ainsi d’organiser toute l’exposition qui couvre 35 ans de peinture
non dans un pas à pas à la Chronos mais en mêlant les époques, fractale, hyperréaliste,
géométrie des Enigmes, Géographies des Corps, etc… donnant à voir les correspondances,
les échos visuels, et les résonances picturales qui parcourent l’œuvre ainsi que certains
effets d’hybridation entre les oeuvres elles-mêmes.
Ce dernier concept d’hybridation est travaillé par l’artiste à l’heure actuelle.
Avec l’accord de l’artiste, son œuvre est présentée ici chronologiquement en trois géométries
fondamentales.

L’Hyperréalisme, 1974 - 1976
Les Grandes Séries de la Complexité 1976 - 1994
La Géométrie Fractale 1994 - ...

 

L’HYPERREALISME, UNE GEOMETRIE DE L’EXCES

 
 

Dès le début des années 70 - Meynard aborde la complexité du réel par sa figuration la plus
exhaustive : l’hyperréalisme

Ses toiles qui représentent des mythologies urbaines (bar, flipper, moto) ne sont pas des
constats «photographiques» mais un travail pictural consistant à représenter le réel avec une
surabondance d’éléments visuels telle que notre perception s’en trouve à la fois comblée et
surprise.

En fait Meynard ne reproduit pas le réel, il organise et orchestre « un effet de réalité ».
Dans ses toiles, la composition est dépourvue de hiérarchie et de centre focal.
Les détails les plus infimes sont figurés au même niveau de réalité et le près et le loin
ont la même focale.
Le regard du spectateur peut alors saisir au même instant, l’ensemble et le détail, le macro
et le micro, le premier et le dernier plan, une vision totale, une vision fausse.

Mais à travers cette vision-là, cette géométrie de l’excès, Meynard nous montre la société de
consommation, avec ses biens, ses objets surmultipliés et ostentatoires comme à la parade
- une société toute en image et en spectacle - où l’homme devient image lui aussi, ni plus
vivant, ni plus réel que toutes les autres pièces du puzzle avec lesquelles il partage le même
degré d’existence.

C’est désormais ce « degré » d’existence de l’homme que la peinture de Meynard
va questionner.
Questionnement ontologique : l’hyperréalisme renvoyait l’homme à sa surface, les futures
géométries de Meynard fendront l’armure.

 

LES GRANDES SERIES DE LA COMPLEXITE

LA GEOMETRIE DES ENIGMES

A partir des années 75, Meynard explore une des figures intérieures de la complexité: celle de l’homme aux prises avec sa propre identité.

Sa facture, sans rien perdre de sa précision, se brouille, se floute, se diffracte avec des effets de cadrage, de plan et de composition proches de ceux du cinéma. Il met en
peinture la traversée des apparences: la réalité devient fantasme et l’identité énigme.

L’homme sur-apparent de l’Hyperréalisme, l’homme d’une netteté exemplaire, devient
une figure floue au centre d’une composition qui joue sur l’ambiguïté du réel et du rêve.

« …Ne cherchons pas à réduire cette ambiguïté que Meynard figure dans sa peinture puisque ce qu’elle figure est moins une réalité qu’un vertige dans cette réalité. Un jeu de miroir qui dédouble l’image. Un jeu de prisme qui la morcelle. Une ombre, un reflet sont là comme signes d’une présence. L’autre vient de faire son apparition»
(Catalogue exposition Meynard,Gilles Plazy - 1979).

Les intitulés de ses expositions: « Schizophrénie », « Série noire », « Le Jeu », révèlent cette mise en figure de l’Autre, du double. Ainsi, dans la série « Le Jeu», les présences humaines sont doublées, triplées à l’identique d’elles-mêmes, comme fractalisées, tant il est vrai que ce n’est jamais contre un autre que l’on joue, mais contre soi-même.

Dans ces 3 séries que Meynard regroupera sous le titre générique de « Géométrie des
Enigmes», il travaille la peinture sur le mode du reflet, des ombres, des doubles, en privilégiant les scènes nocturnes dont les éclairages artificiels renforcent l’effet d’irréalité
du monde.

LA GEOGRAPHIE DES CORPS

 
 

Les Corps et Graphiques

A partir des année 80, Meynard se dégage de toute narration, de tout arrière-plan,
pour faire surgir en pleine lumière, la seule présence humaine.

Les deux séries – «La Danse» puis «Héros-Dynamisme» - montrent des corps
qui occupent la scène picturale et qui l’irradient.

Les êtres sont peints comme des rayonnements, des lignes et courbes luminescentes -
la lumière crée l’individualité de la forme - les corps deviennent des impressions lumineuses,
des persistances rétiniennes.
Meynard interroge la présence humaine : sa figuration est-elle encore saisissable? Et les
formes qu’il peint ressemblent à des apparitions fugaces.

 
 
 

Le Radeau des Muses

La série «Radeau des Muses» (1988) est peinte dans un déferlement de touches qui font
vibrer jusqu’au vertige - entre ombre et lumière, apparition et disparition – la multitude des
corps embarqués sur un radeau : celui de l’Art.
Nicolas Bourriaud décèlera dans cette série à la fois un hommage et un adieu à la «grande
peinture», la conclusion d’un cycle.

«Cette tentative désespérée de reconstituer le corps héroïque de la peinture est centrale
chez Meynard qui méthodiquement, froidement même, travaille à recréer les conditions
propices à sa venue. Si Meynard fascine c’est que son œuvre est le brasier glacial
où crépite l’éloquence de la peinture.»
(Nicolas Bourriaud, préface exposition « Radeau des Muses » - mai 1988)
«Dans la série du Radeau des Muses, Meynard introduit un schéma de composition en S
en construisant ses représentations sur une double spirale, c’est à dire sur le signe
hautement symbolique de la vie et de la mort. L’évolution continue de l’être comme
mouvement de croissance et de perte, d’élévation et de chute» ( Giovanni Lista, mars 94)

Emblématique, cette série aborde la double question sous-jacente à toute l’œuvre
de Meynard : Qu’en est-il de la survie du sujet peinture ? Qu’en est-il de la survie de
l’humain dans le monde moderne? Question picturale et existentielle que ses géométries
ne cessent de poser.

 

Corps et Ames

En 1990, cette série montre la fragilité de l’identité humaine jusqu’à son dédoublement
par la séparation picturale du dessin et de la couleur.
Meynard met en place une cartographie où l’homme perd son contour, sa ligne organique,
et se love dans un espace désormais infini. Figure dissociée, l’homme instable se meut dans un espace qui à la fois le contient et le libère en gommant ses limites.

Ce partage de l’espace, Meynard s’en sert pour montrer le processus de création de la forme: cette tension dialectique qui lie constamment l’un au tout, l’homme à l’univers : équilibre fragile et possible rupture

Tout peintre postule le mort de la peinture. Dans ce sens, tout peintre se double d’un exécuteur testamentaire : l’art se situe à l’épicentre d’une zone mouvante, délimitée par
la distance que prend l’artiste avec son propre cadavre. Corps, âme : cartographie des limites » (Nicolas Bourriaud, catalogue de l’exposition « Corps et Ames » – avril 1990)
« Dans cette nouvelle tentative pour atteindre l’immatériel par le concret de la peinture, Meynard choisit d’intégrer un matériau iconique central : le corps comme lieu éphémère
du rayonnement spirituel. L’homme apparaît mais il n’est qu’un signe dessiné par
le vent, une présence fantasmatique surgissant du travail continu de la matière-énergie » (Giovanni Lista, catalogue de l’ exposition « Corps et Ames » - avril 1990)

 

Echos

Dans la série Echos (1992) on assiste à la disparition de la silhouette anthropomorphique.

La figuration de l’homme apparaît dispersée au cœur des éléments, l’eau, le feu, l’air.
Le corps est encore présent mais seule sa géométrie est figurée, une géométrie cellulaire,
neuronale.
Les toiles sont, comme leur titre l’indique, «des fragments», des géométries indépendantes qui préfigurent une future recomposition.

 

LA GEOMETRIE FRACTALE

A partir de 1994, Meynard utilise la géométrie fractale pour représenter l’humain au sein
de la complexité du réel. Il abandonne la perspective euclidienne pour les principes fractals d’expansion, de saturation, d’entrelacs, d’hybridations et de réseaux à l’infini.

Les Corps Recomposés

Dans « Scribes et Pharaons « (1994) l’homme devient une composition fragmentée, un entrelacs de structures. La peinture de Meynard devient puzzle et l’homme rébus visuel
dont le décodage est ludique mais aussi métaphysique :
Et si l’homme n’était finalement qu’un accident de la matière?

«Entre puzzle et labyrinthe, les images de Meynard se métamorphosent, rendant ainsi impossible toute lecture univoque du travail. À la fois topographiques et formelles, ses œuvres sont des métaphores, des représentations de la fractalité de l’esprit avec sa capacité à se fissurer, se briser et se déformer avant de se reformer dans un nouvel état.

Le travail de Meynard reflète l’idée de l’individu comme dynamique, celui-ci étant dépeint comme une continuité dans tous ses états, le turbulent et le statique, l’état humain où l’extase et le désespoir coexistent et permutent entre eux ».

Susan Condé / Extrait de La Fractalité dans l’Art Contemporain / éd. La Différence, 2001

Les Infinis ou
la génèse d’un objet fractal

En 2001, Meynard aborde le concept d’infini
en donnant à voir la genèse d’un objet fractal.
Utilisant comme matrice l’architecture graphique
de son propre visage, il propage cette architecture
à des échelles différentes et sans limite sur
toute la surface de l’oeuvre.

(Même chose que le passage d’une simple fiche
d’identité à une représentation de plus en plus
complexe de l’homme comme une arborescence
vivante et illimitée).

Ce processus d’expansion permet d’appréhender
l’homme et sa figuration de manière non finie,
de redonner des possibilités de composition
et de recomposition à la peinture - comme au vivant.

 

Les 99

En 2004, pour l’édition d’une monographie qui lui
ai consacré (année 1990 à 2004) l’artiste crée
99 œuvres originales sous plexiglas, chacune insérée
dans un livre numéroté de 1 à 99 .
Ces œuvres au format du livre - 30 cm x 23 cm -
déclinent toutes les facettes du fractal pour montrer
la complexité de l’humain.
On écrira à propos de ces «99» qu’une œuvre de
Jean-Claude Meynard se reconnaît à deux signes :
« Il y a toujours, en apparence ou transparence,
une silhouette humaine, et la complexité du monde
y est sans limites – et sans bavures. »
Cette monographie : « Meynard » est parue
chez Editions Fragments. (Disponible chez Amazone)

 

Maison fractale

Méta ou l’Espace Recomposé

En 2005, Meynard aborde l’image du corps dans toutes les sens du terme - corps humain, urbain, social - et les univers fractals qu’il présente pendant cinq mois au
Musée d’Evreux et à la Maison des Arts. Recomposant les salles d’exposition,
il invite le spectateur à un voyage au cœur même de ses univers fractals
où chaque élément engendre le suivant et tisse un parcours.

En 2006, ses créations sont présentées dans un espace où la matrice initiale de ses œuvres se propage en continu sous forme de sérigraphies sur tous les murs de la galerie
et tous les espaces environnants, y compris la rue. Tous ces tracés, chemins, bifurcations, croisements, constituent une « arborescence » que l’on retrouve aussi bien dans la nature (d’où vient le nom) que dans la culture (mémoire, histoire…) et la technologie (le net)

«Entrer dans l’univers fractal de Meynard piège nos certitudes.Ses œuvres nous font
vivre l’espace physiquement. Sous la pression d’une fragmentation géométrique, une chorégraphie de plis, spirales, droites, diagonales et courbes nous emporte dans un mouvement giratoire dont l’issue est le vertige de l’espace-temps.»
( Lydia Harambourg, 2005)



Installation d'une Demeure Fractale au Pôle Culturel du Palais des Comtes de Provence à Brignoles, Var - Été 2011

Les Demeures fractales

À partir de 2006 Meynard entreprend de grandes installations qu’il nomme : « Demeures Fractales». Investissant un lieu dans sa totalité (Galerie Maretti Arte Monaco, Monaco – 2006 ; Espace Riff Art Projects, Paris – 2009 ; Grand Palais, Art Paris – 2010 ; Centre d’Art de Brignoles, Var, France – 2011; Maison des Comtes, Sauve, Gard, France – 2012), il en rompt la géométrie, en démultiplie les perspectives, les plans, les espaces.
Au cœur de cette déstructuration organisée, il insère des tableaux, des sculptures, des reliefs et architectures numériques, comme d’autres espaces possibles, d’autres imaginaires qui se font échos et font échos à l’ensemble.
Dans ces demeures fractales, l’unique repère est une silhouette humaine : une présence circulante dans la complexité, prise et déprise dans les réseaux - un visuel de l’interdépendance de l’homme et de l’espace - M.Pierre Paulicevich écrit à propos de la Demeure Fractale de Brignoles : « Faire entrer l’art contemporain et la géométrie fractale dans un enceinte moyen-âgeuse était risqué (…)  Jean-Claude Meynard a passé trois mois à installer ses œuvres autour et dans le fameux escalier, sur les plafonds, par terre mais aussi au sous-sol (…) le bâtiment lui-même se transformant peu à peu en une brillante œuvre d’art , pièce unique que l’on ne reverra jamais. »


La sculpture "World" – Centre d’Art, Villa Tamaris – 2010

Babel, Icône de la Complexité

Mythe oriental qui raconte un temps où l’humanité partageait la même langue. En ce temps-là, les hommes commencèrent à construire une tour pour atteindre le ciel. Pour punir leur arrogance et faire échouer leur plan, Dieu inventa les langues, et les hommes, ne se comprenant plus, abandonnèrent leur construction. La tour demeura inachevée et les hommes désunis.

Jean-claude Meynard réinterprète le mythe en transformant la tour en un fractal de
silhouettes humaines dont le graphe infiniment répété constitue une forme d’écriture… les hommes deviennent logogrammes et phrases infinies, si la Babel d’Orient les montrait séparés, désunis par les langues, Meynard les représente comme un fractal d’humanité appartenant aux mêmes signes.

Pour libérer cette Babel de toutes références historiques ou géographiques qui l’enfermerait dans un espace-temps identitaire, Meynard la conçue protéiforme : tour, pyramide, sphère, lames de verres, quadrilatère…
Protéiforme et itinérante… sa Babel voyage : Chine (Shenzhen) et Italie (Sermione) en 2008, Turquie (Istanbul) en 2009, France en septembre 2010 à la Villa Tamaris-Centre d’art (Var) sous la forme de « World »


LES HYBRIDES

Depuis 35 ans, Jean-Claude Meynard explore la complexité du réel et la place de l’homme au sein de cette complexité. Il a mis à jour des univers picturaux de factures très différentes. Pourtant, lorsque l’on rapproche ses œuvres de factures apparemment si distinctes et d’époques parfois très éloignées, on assiste à un phénomène remarquable :
les œuvres entrent en échos visuels, en résonances picturales, et semblent se féconder jusqu’à composer des œuvres nouvelles.

Ce processus, mis en évidence lors de l’exposition à la Villa Tamaris (La Seyne-sur-Mer
en 2010), a été fixé dans un livre « Babel, la Géométrie des Enigmes ».
On sait que Meynard a toujours travaillé sur la forme - entre hyper réalité et géométrie fractale - il a tracé les figures du réel et de l’homme et montrer qu’une forme était
toujours en devenir, en transformation et renouvellement. C’est pourquoi ses hybridations sont possibles, et fulgurantes, parce déjà en germes dans son parcours. En faisant naître ses hybrides, en faisant de son art, de ses propres toiles, sa matière première et son terrain d’expérimentation, il ouvre un champ de création à la combinatoire illimitée.